1.9.08

11:49 PM : De la nature des réseaux

Suis en train de lire Snow Crash, bouquin amusant - surprenant aussi, dans le sens où on me l'avait pitché comme étant de la SF humoristique et/ou post-moderne, ce qu'il est, mais il contient également des théories sémantico-religieuse biscornues mais amusantes du type Pendule de Foucault. C'est un peu comme lire une version papier des discutes entres geeks et/ou rolistes de deux heures du matin, quand tout le monde est crevé mais défoncé à la caféine, que le dragon a pris ses 30D10 de dégâts dans la gueule avant de lâcher la thune, et qu'on joue à suivre de façon scientifiquement sérieuse des informations débiles et les relier entre elles de façon cohérente. Je crois que tous les geeks font ça, à un niveau ou un autre. Un peu comme par chez moi on invente le Scorpion-Do, qu'on théorise l'influence des Templiers dans la Jenlain ou qu'on base une philosophie Zen-no-Socratique pour savoir qui va chercher les croissants. Bref, c'est essentiellement un bouquin par geeks, pour geeks.

Et cyberpunk, aussi. Et comme à peu près tous les univers/romans/continuités cyberpunks depuis Gibson, il commet l'idée de la Matrice, qui devrait franchement avoir honte de se montrer en public depuis Internet, et encore plus depuis Matrix:Revolutions. Parce que l'idée d'une réalité virtuelle mappée sur un réseau informatique étendu est assez intrinsèquement débile, surtout quand on essaye d'y faire entrer des "règles" de la réalité physique, genre gravité, interactions (et combats) entre utilisateurs, programmes et sous-routines présentés comme "bots" qui passeraient le test de Turing les doigts dans le pif, et surtout surtout : une géographie codifiée.

Dans la Matrice, pour consulter mettons la Bibliothèque François Miterrand, tu prends ta cyberbécane façon Tron et tu brûles l'e-asphalte pour rejoindre la représentation "matérielle" du serveur qui hoste les données que tu veux, (soit, en l'occurrence, un buste de François Miterrand de 120km de haut en néon rose). Ça prend un temps T. Si vous avez tenu dans cette lecture jusqu'ici, c'est que vous avez résisté à la tentation de retourner sur Google ou la Wikipédia ou n'importe quel blog de merde de vos favoris. C'est bien, et je vous félicite pour votre ténacité à essayer de piner ce que je raconte, mais ça vous a empêché de noter une donnée empirique importante : retourner sur Google ou la Wikipédia ou n'importe quel blog BD dessiné avec les pieds est instantané. Dès lors, pourquoi s'emmerder avec la Matrice et ses e-rues ? C'est le point numéro 1.

Le point numéro deux est un peu plus technique et geek, m'enfin ça devrait être abordable même sans DEUG de sciences : l'architecture de le Net est mutable, infiniment. Bien qu'on le représente souvent en organigramme plus ou moins compliqué, la réalité l'est beaucoup plus, et pour aller sur Google ou la Wikipédia ou un Skyblog de merde (tiens, ça existe toujours ça ?) le signal passe par une dizaine de relais avant d'arriver à destination, puis de revenir chez vous avec une photo cochonne. Ces relais sont, pour la plus grande part, mobiles, dynamiques et attribués pour la journée, ou l'heure, ou whatever en fonction de la charge sur telle ou telle ligne, de la position de la Lune et de l'incompétence relative des administrateurs réseau de votre FAI préféré. Ou, pour simplifier, si Google se trouve toujours à www.google.com, le chemin que prend votre ordinateur pour y aller n'est jamais le même - géographie mutable, donc. A cet instant de ma réflexion mon cortex réagit par un grand spasme en direction du testicule gauche disant en substance "ben oui, mais si c'est transparent pour l'user lambda sur le 'net, pourquoi pas dans la Matrice aussi, eh ducon ?". Diantre, mon cortex a foutrement raison (d'où le testicule gauche). Le deuxième pan de ma théorie s'effondre.

Rien à branler, le point 1 suffit : une représentation concrète et fixe du virtuel est complètement absurde si on tient compte du facteur temps. Y'a pas 36 méthodes pour créer ce genre d'univers virtuel : 1) s'en tenir strictement à sa géographie et aux règles physiques arbitraires - c.a.d "Google c'est la troisième à gauche depuis Wikipédia, pouvez pas vous gourrer" ce qui est un grand pas en arrière niveau ergonomie, simplicité d'usage et ainsi de suite. 2) Ignorer les lois de la physique réelle et permettre aux utilisateurs de se téléporter partout. C'est le plus logique, mais ca va à l'encontre du principe même de la réalité virtuelle - donner l'impression d'un monde réel et cohérent, une façade humaine et compréhensible à ce joli merdier qu'est l'informatique. D) muter la géographie relative à l'utilisateur en temps réel, de sorte que Wikipédia est juste à côté de Google si besoin est sur le moment, mais peut aussi être en face du dernier blog envahi de pub, pardon, de com' orienté client à la mode. Voir figure 2), on perd complètement l'intérêt.

On me rétorquera (avec injuste raison) que le premier MMORPG qui vous vienne à l'esprit (indice : ça commence par un W) correspond vaguement à un monde virtuel à géométrie fixe et qui tienne la route. Ce à quoi je réponds : non. J'admets que c'est une façon intéressante de faire zig-zagger l'utilisateur entre N systèmes différents (un par zone, eh. Plus un pour le chat à priori) de façon plus ou moins invisible et toujours en obéissant aux lois du jeu. Parce que c'est un jeu, précisément - je doute que Mme Michu ait vraiment envie de se fader un vol de griffon d'un quart d'heure pour accéder à son compte en banque, ou de tourner en rond pendant deux heures dans une putain de ville qui lagge à mort à la recherche de ce putain de crieur public/boite mail.

Bref, tout ça pour dire : Snow Crash c'est bien, l'idée de la Matrice doit mourir une bonne fois pour toutes, merde. Mais si j'avais fait juste ça comme post sans en rajouter des tartines, vous auriez gronché, avouez.

Enfin bref, asi es ma vida virtuela

PS : Je note avec émerveillement que Blogger a désormais un correcteur ortografik intégré, ce qui m'a permis de mettre des cédilles de partout (pour la plus grande joie de Gaëlle). Par contre, il est sans pitié pour mon franglais et me renvoie à la djeule tous mes néologismes anglophiles. Le sale petit fucker sournois.
PPS : Doublevé Té Effe ? Depuis quand N/B est aligné gauche ? Et pourquoi personne me dit rien ?