6.5.08

4:15 AM : Correllation

avec le post d'avant, s'entend

Peu de questions me bloquent autant que "qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ?". D'autant que ces jours-ci, où je n'ai plus de cartable, de carnet de correspondance ni de baskets, elle se mute souvent en "qu'est-ce que tu fais dans la vie ?", et souvent comme icebreaker en plus. Comme si c'était des choses à demander aux gens, franchement.

Et bon, machinalement et pour faire référence à Alexandre le Bienheureux, je réponds toujours "Moi ? Rien.", parce qu'il faut toujours avoir des réponses toutes faites aux questions auxquelles on ne veut pas répondre. Sinon, le joker se voit trop.

Mais pirouette ou pas, la question reste, et oui, entre moi et moi, qu'est-ce que je vais faire de ma vie qu'est déjà bien avancée ? Je crois que ce qui me dérange le plus c'est ce "faire" et sa sphère lexicale. Construire, créer, fabriquer, produire, composer, j'arrête on va voir mon thésaurus. Je transforme toujours mentalement cette phrase en "qu'est-ce que tu as créé ? (réponse : rien) Et qu'est-ce que tu comptes créer dans les prochains mois ? (réponse : ben, rien)". Je vois jamais ma vie aller plus loin que les prochains mois, non. Il me faudrait pour ça envisager de vieillir encore, et je suis contre.

Et donc, si je n'ai jamais eu l'ambition d'être un Homme Important, je me voyais tout de même fonder un truc, dans mon jeune temps (vous faudrait une bonne guerre, foutez le camp de ma pelouse les gosses). Et si je suis assez content du temps passé sur ma campagne Vampire et de son résultat, et si j'accepte petit à petit l'idée que je vais devoir entrer pour de bon et bien profond dans le monde du travail, dans cent ans qu'est-ce qu'il en restera, hmmm ? Réponse : rien.

Bizarre, tout de même, cette propension à ne penser qu'au présent, mais à toujours considérer la postérité. Peut être un moyen de nier l'entre deux.

Entre temps, je perds mon temps, oui. J'attends ma réponse, puisqu'il est certain qu'elle arrivera bien toute seule un jour. Mais je peux pas décement répondre "J'attends" à la question "Qu'est-ce que tu fais de ta vie ?", si ?

Enfin bref, asi es ma vida loca.

Post Scriptum : vous avez noté comme en trois posts du même jour au bout de trois mois de silence, je n'ai toujours pas fait celui sur l'Amazonie ? C'est voulu. Le jour où je ferai ce putain de post, vous, faites vous du soucis.



3:52 AM : Les gens riches ont souvent de l'argent

J'en ai croisé un beau paquet quand je travaillais à la télé (quelle façon glamour de retranscrire "chercher des cafés et remplir une BDD de musicomètre", non ?). Ces jours-ci, je ne les vois plus que dans le métro, les deux ou trois fois où je le prends pour de vrai dans le mois, mais les signes ne trompent pas, ils n'ont pas changé. Et maintenant que j'y pense, dès les dernières années de lycée on les voyait éclore, les Gens Importants.

Vous savez de qui je parle, si vous avez déja été stagiaire quelque part, si vous avez déja bossé dans une boite un peu plus grande que 10 personnes développant un démineur sur Nokia. Ils sont (souvent, mais pas toujours - il y'a aussi la version jeune et in et accessorisée) habillé comme un dimanche, costard impeccable et pompes cirées. Parfois, ils se fendent d'un attaché case. A la télé, ils seraient plutôt du genre party people, mais il leur reste de leurs congénères à LancômeChanel ce regard vaguement méprisant, ce sourire condescendant, cette sphère d'Importance dont ils s'entourent.

Ce sont des Gens Importants, ils ont des Responsabilités, ils ont quelque part où aller, vite si possible.

Que vous soyiez standardiste, que vous deviez leur trouver la musique qui va bien pour leur documentaire sur Un Truc Important Dont Tout Le Monde Se Fout (souvent pour Arte, d'ailleurs. C'est bien que tout le monde s'en branle.), que leur petit PC ait fait un gros caca nerveux, qu'ils aient besoin d'un truc ou qu'un paquet leur soit destiné, vous êtes sur leur chemin vers... vers quoi ? Je me suis toujours dit que l'Importance était son propre but. Mais quel que soit leur besoin, et quelque soit leur façon de parler, ils ont *toujours* cette même phrase : "[excusez moi (optionnel, rare)] jeune homme, je veux gnagnagna truc machin, et dépêchez vous je suis pressé". Toi, tu étais déja en route pour leur faire leur bidule, ou déja tu tapotes frénétique, parce que c'est ton job et que tant que t'es là tu le fais. La phrase te fait marquer un temps d'arrêt. Ce qu'ils prennent pour une évidence née de l'Importance te cueille la mâchoire, pile là où t'as tes caries. Tu leur jette un regard, en coin certes mais inquisiteur ou haineux, ca dépend si c'est lundi. Non, non, ce n'était pas une plaisanterie ou une inside joke, ils sont très sérieux, ils sont bel et bien pressés. Et donc, plus importants que toi, dans le travail, dans la vie et au Ciel. Et comme (soyons honnêtes) t'as une bonne tête de branleur, ils aimeraient bien si ca te dérange pas que tu ailles vite. Notes bien que tu travailles *toujours* vite. Mais ils la précision est automatique, parce qu'en vrai ils s'en foutent un peu, que tu ailles vite ou pas. Ils ont juste besoin de préciser que Eux, c'est pas n'importe qui.

Parce que tu es, au fond de toi, un petit con, tu as un instant l'envie de lancer le démineur sur Nokia, ou de faire une pause clope, là, tout de suite, parce que toi tu n'as pas de responsabilités, t'es pas pressé, et de toute façon t'es pas assez payé pour supporter autant de connards à l'heure. Et puis tu te rappelles que ca ne changerait rien, que ca ne les changerait certainement pas Eux, et qu'au mieux tu récolterais une prise de bec. Alors tu laisses couler, tu leur fais leur truc comme tu le fais pour tous les autres, le plus vite possible pour pouvoir retourner glander en paix dans ton p'tit box, et si tout le reste de la journée tu repenses à ce que tu aurais pu Leur faire, et que tu Leur ferais si c'était moins illégal, demain tu les auras oubliés, eux et leur Importance. Je me suis souvent demandé si eux repensaient au petit stagiaire qu'ils avaient maté, au bureau. Sans doute pas. Les Gens Importants n'enregistrent rien de pas Important sur leur radar, si tant est qu'ils aient un radar.

Et bon, le temps passe, je vieillis, je suis plus stagiaire, mais je suis toujours pas Important. Je crois qu'on le devient à la puberté, en fait. Mais quand je les croise encore, dans le métro donc (ils ont un attaché case ou un portable allumé, ils te poussent délibérément pour sortir plus vite, ne s'excusent pas et claquent des talons sur le quai, parfois grognent quand une mémé les coince derrière son cabas, évidemment assez fort pour que tout le monde les entende, c'est l'idée... Voilà, c'est ça au final, la marque de l'homme important : la politesse est pour leur labrador), je garde encore ce vieux réflexe - est-ce que je prends cinq petites secondes pour ouvrir la porte et descendre, moi qui saute en marche d'habitude ? Oh, et puis non. Cathartique, peut-être, mais pas didactique. Il me faudrait les suivre toute la journée pour crever leur petite bulle d'Importance par négligences répétées (puisque, comme dit ChatFou, la répétition est l'âme de la pédagogie), et entre nous, j'ai autre chose à foutre. Et je suis pressé en retard.

Enfin bref, asi es ma vida loca.