30.11.06

6:47 PM : On a lighter note

Je ne peux pas à la fois m'extasier devant De Capes et De Crocs (une BD qu'elle est bien, label Noir Sur Blanc, pour les ceusses qui suivent pas) et ne pas être admiratif devant ça, soit les trois premiers actes de Bérénice en argot banlieue.

Et vous en pensez ce que vous voulez, moi je dis que ca a autant de classe et de rythme et de chant que le Racine d'origine, même si à la base c'est fait juste pour déconner, le déconneur a du talent. Et aussi que Ferré avait bien raison quand il disait que ce n'est pas le mot qui fait la poésie, c'est la poésie qui illustre le mot (cf l'update de la radio). Bref, chanmé fort sa race.

Enfin bref, asi es ma vida loca.


25.11.06

10:36 PM : Brève de comptoir

Pauvre Dieu. Les hommes tombent en poussière vite oubliée et c'est fini, mais Lui, il n'arrête pas d'être réincarné civilisation après civilisation.

S'il y'a un Dieu, il doit être suicidaire.

(Religion® courtesy of Mandarine Inc.)

Enfin bref, asi es ma vida loca.


9:36 PM : Pour tout bagage on a vingt ans...

Pendant longtemps j'ai dit, écrit ici aussi (même si ca fait un moment que c'est plus ressorti, tiens) que j'avais prévu de mourir à 30 ans. D'aucune m'ont suggéré d'attendre 33, comme le Christ (puisque comme lui j'ai Raison, biensur), mais j'ai toujours été ferme sur 30. Je crois pourtant que je n'ai jamais expliqué à personne pourquoi. Sans doute l'ont ils compris quand même, mais à tout hasard (et puisque je suis de ce genre d'humeur)... C'est que voyez vous, à 30 ans...

A 30 ans, on a plus ou moins la notion de quelle gueule aura la suite, et bien peu de raisons de vouloir la changer.
A 30 ans, on a eu 20 ans pour décider de qui on était, qui on voulait être, et 10 ans de plus pour faire ce qu'on avait à faire.
A 30 ans, on a déja réalisé ses rêves, et si on ne l'a pas fait, on ne le fera plus, et si on le fait, on n'aura plus l'âge pour l'apprécier comme il se doit.
A 30 ans on a cessé d'être surpris par quoi que ce soit, définitivement. On a déja rencontré des gens de plus ou moins tous les milieux et de tous "types" de personnalités, de sorte qu'on ne rencontre plus jamais personne de nouveau, simplement des redites, ou des amalgames de souvenirs d'autres.
A 30 ans on s'attend à tout et on n'attend plus rien.
A 30 ans, si on avait du talent pour quoi que ce soit on le saurait déja. Si on devait être génial et méconnu, ou con et célèbre, on le serait déja. Et puis, si on était un vrai génie, on serait déja mort de toute façon.
A 30 ans, on est obligé de bosser, on ne peut plus sans gêne être étudiant à vie. Baiser avec des tout-juste-ex-lycéennes à 30 ans, c'est tout de même un peu malsain.
A 30 ans on est déja revenu de tout, on s'est pris le monde en plein dans la gueule pendant 10 ans, et si quelque illusion lui résiste encore, c'est manifestement que l'on la protège à dessein, ce qui est un peu malhonnête.
A 30 ans on a déja dit tout ce qu'on avait à dire, et là encore, si on ne l'a pas fait pendant ces fameux 10 ans où on a à la fois l'imprudence de vouloir secouer le statu-quo et la jeunesse pour se le faire pardonner, on ferait mieux de fermer sa gueule.
A 30 ans on n'a plus d'Amour, juste la tendresse des braises finissantes, la mélancolie du souvenir, le cul parce qu'il est libéré des sentiments.
A 30 ans, on a déja fait toutes ses premières fois.

Et puis aussi parce que...

Après 30 ans, on n'a plus rien à faire de sa vie que continuer à la supporter en regrettant chaque jour un peu plus le temps où l'on avait vingt ans. Plus rien à faire que de bosser pour durer encore un peu, faire des enfants pour ne pas trop s'ennuyer, se regarder vieillir et continuer, encore, et jusqu'à ce que mort s'ensuive, à continuer, à réitérer, à ressasser.
Après 30 ans, on ne change plus le monde parce qu'on l'a accepté, sinon on se serait tué avant, d'une manière ou d'une autre.
Après 30 ans, même si l'imprévu devait survenir, on aurait la vie trop enracinée, les habitudes trop imprimées pour en profiter.
Après 30 ans, on en a quarante, où l'on se fera croire qu'on est encore jeune, et puis cinquante, où l'on aura compris que non, et puis soixante, où l'on commencera à attendre la mort avec une impatience grandissante.
Après 30 ans, le fun est définitivement terminé, alors pourquoi continuer à jouer ?
Après 30 ans, ca ne m'intéresse pas.

Tout ceci est implacablement vrai, et vous le savez tous, quelqu'age que vous ayiez. Et si vous ne l'acceptez pas, vous ne faites jamais que vous mentir pour tenir encore, toujours, le plus longtemps possible. Je n'ai jamais compris cette volonté que vous avez tous de ne pas mourir, indécrotables immortels qui claquez toujours avec un air de surprise. Vous n'en démordez pas, même quand ca n'en vaut vraiment plus la peine. Comme le premier drogué venu vous vous accrochez encore malgré que la douleur ait remplacé presque tout le plaisir, en espérant encore retrouver le premier glouc' de bière, la première taffe ou la première aiguille.

Non, croyez-moi, le bon rapport qualité/prix, c'est de se faire exploser la cafetière pour son 30° anniversaire. Enfin je dis ça, c'est juste une expression. Personnellement je suis extrêmement douillet, et puis ça tâche. Ma préférence a toujours été pour le gaz d'anesthésie. Pour mourir dans son sommeil, comme un vrai vieux.

Parce que c'est cela, finalement : à 30 ans, on est officiellement vieux. Tout simplement.

Enfin bref, asi es ma vida tan alegra.

EDIT : hop, l'update de la radio qui va bien


17.11.06

11:06 PM : Goo Goo Gajoob

Kobal2 nouvelle recette ! Un mois, un post ! Vu à la télé ! Plus moëlleux !!!

Je suis assez d'accord avec Lennon sur ce point : ce qui importe dans l'art (ainsi que dans toute autre forme de communication de masse, finalement) c'est que moi j'en comprends et ce que moi j'y vois, et non pas "ce qu'il voulait dire par là".

En ce sens c'est totalement différent d'une véritable communication : quand je te parle, si je veux que tu me comprennes et si je veux te comprendre, tout le problème est de s'abstraire des mots, ou plutot non, de réduire l'infinité de sens et de compréhensions possibles de ce que tu viens de dire afin de comprendre exactement quel construct tu encapsulais dans ta phrase ou, encore plus compliqué, tout le sens que tu voulais faire passer non seulement en choisissant cette phrase, mais surtout en n'en choisissant pas une autre, et également biensur d'essayer de saisir tout ce que tu voulais dire mais que tu n'as pas réussi à mettre en forme dans cette phrase.

Dès qu'on essaye d'aller un peu plus loin que "j'ai compris X de ce que tu as dit, donc tu voulais dire X", c'est un cauchemar de complexité. Si, et seulement si, ce qui est important c'est de bien saisir ce que le locuteur essayait d'exprimer.

Mais dans l'art (et dans la politique ? Parlons juste d'art, j'ai pas envie de réfléchir), le locuteur, idéalement et avant que les questions de poignon artistique made in No.Logos (eh, Spino, t'as vu comme j'ai pas du tout compris ton message ? :) ) entrent en ligne de compte, s'en fout totalement de la façon dont toi tu prendras son message. Il crie ce qu'il est, ce qu'il pense, ce qu'il vit de façon on ne peut plus subjective. Qu'importe le réel, le message, la communication dans l'art - tout art (et la j'emprunte une phrase Vaquettienne sans payer de droits d'auteur) n'est jamais que le passage dans le monde réel du monde qui habite l'artiste. Ce monde-là, celui de l'artiste, ne veut pas communiquer, il s'en fout qu'on le comprenne, analyse, contredise, accepte ou apologise : il est, point. Le boulot de l'artiste là-dedans est d'essayer de matérialiser ce monde dans nos esprits de façon fidèle, et il essaye de le faire par ses mots, ou ses couleurs, ou ses accords. Mais, au final, si de ses mots/couleurs/accords tu imagines un monde qui n'est pas fidèle à celui qui habite l'artiste, on s'en fout. Complètement.

L'artiste n'essaye pas de communiquer avec toi quand il publie son art. Avec ses proches, peut-être, et encore. Mais toi ? Il n'entendra jamais ton retour sur son art, il ne t'expliquera jamais là où tu as mal saisi ce qu'il essayait de dire, et au final il s'en fout complètement, puisque d'un coté il a grace à toi de quoi bouffer, et que de l'autre il a encore l'illusion que parmi la masse qui l'écoute, quelques un au moins le comprennent exactement. Encore plus s'il est mort depuis.

Partant de là, il m'apparait inutile de chercher exactement ce que l'artiste voulait dire originellement. Branlons nous de son contexte socio-historique, de ses réactions face à son milieu, à son éducation ou à ses pairs, secouons nous allègrement la nouille de ses inspirants et de ses inspirés, puisque nous ne sommes pas dans un contexte de communication, mais d'introspection. Tout ce qui importe est ce que moi, toi, vous tirez de la production artistique de ce type. Ce que ca nous évoque, ce à quoi nous le mettons en relation dans notre vie, le monde que ca génère en nous, les rapports idées émotions liens sens que nous en tirons. Il importe peu que ce monde-ci ressmble peu ou prou à ce monde-là, puisque non seulement rien n'importe que notre monde interne à nous (mais ça, ca s'applique aussi à la communication pure) mais surtout, qu'on ne gagnerait rien à les faire communiquer (à moins, peut être, d'avoir eu la même vie que l'artiste en tous points, et encore : dans ce cas-là on n'y gagne qu'une nouvelle façon de dire ce qu'on pense, "si tu veux me comprendre tu n'as qu'a comprendre ce tableau". Et ça, ça ne marche pas, cf. tout ce putain de post).

Dès lors, le concept d'histoire de l'art (pardon, l'Histoire de l'Art, je sais que des abonnés à Télérama me lisent) me parait absolument stupide. En fait non, parce qu'il a son intérêt et sa curiosité aussi, mais lier art et Histoire de l'Art, ca parait sans doute logique, mais d'un point de vue individuel c'est noeud, au final. Biensur, je ne verrais pas les gargouilles de Notre Dame de la même manière si je savais ce qu'elles sont sensées représenter, si j'approximais leur contexte, le but de leur sculpteur, la relation entre elles et les gargouilles qui les ont précédées et celles qui les ont suivies... mais je n'y gagnerais rien, absolument rien - et même si j'arrivais contre toute attente à pénétrer véritablement l'âme de leur artiste, ses peurs, ses espoirs, ses combats, son monde enfin, ne sont pas les miens, ne m'apportent rien, si ce n'est un totalement useless point de repère par rapport auquel me placer moi-même...

Non ?

Enfin bref, asi es ma vida loca.

1.11.06

12:26 PM : Ouroboros

Juste en passant, et sans effets de staïle

Je viens d'apprendre (je suis dans une période très Marvel, ces jours-ci) un de ces factoïds dont je suis friand, et qui est vraiment, vraiment trop beau pour que je le laisse passer.

Apprenez, ami-camarades, que dans les années 50, les ligues familiales bien-pensantes décrétaient que c'étaient les comic books (oui, oui, Superman, Batman, Starmania) qui étaient responsables de la délinquance urbaine, c'étaient eux qui corrompaient la jeunesse en la gavant de violence (KAPOW ! ZAP ! BLAM !), de sexe (aucune super-héroïne depuis 1917 n'a affiché moins qu'un 90D syndical) et de crimes en tous genres (ah ben oui, pour que le super-héros puisse bouffer (et son créateur avec), il faut un super-méchant, qui fait du super-mal à tous les ordinaire-men). Avec en tête de la croisade un psychiatre (encore un, oui. Y'a toujours un psychiatre dans ces coups-là. Les psys sont peut être pas *tous* des cons, mais c'est une fonction qui tend vers l'identité remarquable.), le docteur Fredric Wertham, qui en Jack Thompson des âges farouches a milité jusqu'à ce que soit implémenté le CCA, Comics Code Authority, genre d'organe de pas-vraiment-censure-mais-quand-même assez proche finalement de l'ESRB, tout en étant plus cornu à l'époque - toute BD publiée devait être soumise à cette instance pour qu'elle vérifie qu'il n'y avait pas dedans de mentions de sexe, de drogue, de "déviances" (brrr, ces homosexuels !), du mauvais genre d'activisme, de gore, que les méchants n'y gagnaient pas (l'Empire Contre-Attaque en eût été bien naze si ca avait été appliqué au ciné, tiens.(*)) etc..., auquel cas l'éditeur avait le droit de publier un badge "conforme CCA" sur son truc avant de l'envoyer en kioske - lesquels kioskes refusaient en général de vendre les comics sans sceau, à base d'une politique de "pfff j'veux pas d'ennuis moi". Il me semble d'ailleurs que j'avais lu quelque chose du genre sur les bédés franco-belges de l'époque, mais je ne retrouve plus où.

Evidemment, de nos jours, ces conneries font sourire - Rebecca Romijn joue sa Mystique entièrement à poil (mais à poils bleus), Colossus est communiste ET gay (mais pas noir. Ce sera pour une prochaine édition, surement) et Wolverine eviscère tout ce qui passe à portée, et si le CCA existe toujours sur le papier il n'a plus la moindre espèce d'influence. Si quelqu'un, même à les Zétats Zunis, montait sur sa cagette ou sa chaire pour hurler que les super-héros c'est le Mal, on lui rirait au nez avant d'aller voir X-Men 4 au ciné en avant-première.

Le pauvre prêcheur aurait la durée de vie publique d'une huitre en plein Sahel - les très vieux d'aujourd'hui, vous savez, ces vétérans à cocarde qui font encore les malins aux défilés d'anciens poilus, ceux-là ont lu les premiers Captain America (mange mon bouclier, vilain teuton ! (**)) à la lampe torche avant d'être parachutés sur la Normandie, ceux-là se sont passionément branlés sur Wonder Woman au lycée et à la télé, et je suis sur que même Deubeulyou lisait Sandman à Yale (c'est psyché', je suis sur que ca doit tripper avec de la coke). Alors, même les vieux se rendent compte, même s'ils sont devenus responsables et sérieux, et même s'ils sont politiciens, et même s'ils sont de droite, tous ils se rendent compte (ou plutot, ils déduisent) que ces méchants comics ne devaient pas être si terribles, finalement, puisqu'ils les ont lus, eux, et puisqu'ils sont devenus des gens normaux comme tout le monde, eux. Comme leurs parents avant eux.

Alors... Pourquoi ca (re)marche avec les jeux vidéos ? Quelqu'un peut m'expliquer en termes qui aient un sens, rapport au niveau de la perspective historique et ludique du présent dont au sujet de laquelle que j'viens d'vous faire montrer ?

Non, non, rien n'a changé, tout, tout a continué, yeah yeah... Free will, sure, but not a braincell in sight.

Enfin bref, asi es ma vida loca.

EDIT : ceci dit, outre le constat (toujours nouveau) de connerie latente cosmique qu'il est devenu, ce post est quand même surtout porteur d'espoir : l'industrie du comic est loin d'être morte, et loin d'être en manque de talents et d'originalité. Partant de là, il est probable que d'ici une petite génération ou deux à tolérer nos gros cons, ils trouveront (en fait, *nous* trouverons) une nouvelle cause qui-ne-soit-pas-nous à la dégénérescence morale de nos enfants, qui auront surement une nouvelle mode forcément décérébrante et conne que nous ne comprendrons forcément pas, et qui nous fera tout aussi peur que GTA fait trembler papy Thompson. Et on pourra s'en plaindre entre nous, en buvant des pétards et en fumant des bières entre deux parties de Soul Calibur XXII.

(*) C'est un argument récurrent chez nous autres gamers qu'on peut difficilement attaquer nos chers jeux vidéo du point de vue de la violence et/ou des meufs à poil quand, à la télé comme au ciné, sortent et passent en permanence des films ultra-violents, ou ultra-cul (sans même parler de pr0n hein, mais Basic Instinct passerait sur Playstation, si vous m'suivez), ou les deux. Je serais de mauvaise foi, j'ajouterais "et vous avez lu un Dantec, récemment ?", mais admettons que les horizons littéraires sont restreints à l'imaginaire du lecteur qui se censure lui-même. Les Jack Thompsons et leurs psys répondent toujours que "ouiiiiiii mais c'est pas pareiiiil, un film le spectateur est passif, dans un jeu vidéo c'est toi qui a le doigt sur la gachette". Dieu me garde d'être moi-même psychiatre, je ne serai donc pas 100% catégorique dans mon estimation de foutage de gueule. Mais je ne peux m'empêcher de penser que si les ligues familiales s'en prennent *toujours* aux "déviances" en marge style comics, série noire, paintball, JdR ou jeux vidéos, c'est uniquement parce que ce sont toutes des industries à moitié moribondes financièrement dans leur état naturel, et que le premier qui s'amuserait à essayer de retirer de la vente un film d'Hollywood se prendrait, après l'indignation hârtichtique ("c'est Hitchock et Godard qu'on assassine !") des filmeurs de mitrailleuses, des filmés avec mitrailleuse en pogne et SURTOUT des vendeurs de voitures qui mettent leur pub avant le tir de mitrailleuse filmé en 16:9°, se prendrait, donc, assez d'avocats et de procès dans la gueule pour en finir définitivement avec l'Amazonie (rapport à la paperasse, suivez un peu voyons). Mais, là encore, c'est l'Amicale des Buveurs de Bières Cyniques A En Crever qui parle, sans doute.

(**) Je dis "graisse", mais vous avez déja lu les vieux, vieux Buck Danny des années 50 ? C'est assez amusant, pour peu qu'on puisse rire comme moi de la dépiction du pilote japonais ricanant, sadique, d'avoir mitraillé des bons boys américains sans défence (je cite : "la maudite face de citron était sans doute très fière de son ignoble exploit !"). C'est encore plus amusant quand on lit les épisodes antiracistes d'une dizaine d'années plus tard (mais pas d'antiracisme vis à vis des asiates, hein, faut pas déconner, entre eux et nous y'avait encore Dien Bien Phu, n'est-ce pas. Par contre, on ne pouvait plus taper sur les noirs, qui n'étaient pas encore gangsta rappers mais déja susceptibles - et acheteurs de Pilote, me dit-on en Régie Cynisme).