23.9.06

3:39 PM : Setting shit straight

J'ai longtemps eu peur de la politique en général. D'abord, comme tout le monde, quand j'étais gamin, et que des messieurs en costume, à l'air grave (et peut être un tantinet constipés, ou un tantinet diahrréiques, ca dépend de l'occasion) interrompaient le Disney Channel du samedi soir (oui, je suis *aussi* vieux que ça. Oui, je suis assez gâteux pour pouvoir dire "Disney, le dimanche matin ?!") pour dire des choses importantes, ou quand mes parents prenaient le même air grave (très, très grave en 89, bizarrement) et m'envoyaient au lit pour regarder le résultat des élections. Tout cela me passait au dessus, je me sentais à la fois confusément con de ne pas comprendre, et rassuré de savoir que des gens qui comprenaient ça s'en occupaient. Oh, et ils étaient chiants, aussi, très, à me faire virer de devant Ca Cartoone avec leurs conneries. Bien que je n'aime pas devoir l'admettre, ce qui est aujourd'hui une détestation intuitive et instinctive tire probablement ses racines les plus profondes dans la frustration Tex Averesque. Ca fait con à dire aux meetings du Parti.

Plus tard, je m'en suis désintéressé pour d'autres raisons. D'abord, une persistance de cette impression de connerie - les discours et les problèmes de la Frrrrrance me semblaient beaucoup trop complexes pour que je puisse espérer y entendre goutte (oui, je digresse encore, mais j'estime avoir eu beaucoup de chance d'avoir par le biais de mon intense complexe d'infériorité de jeunesse (ca va beaucoup mieux aujourd'hui, je vous rassure amies lectrices. Je ne me sens plus nul que les jours en "-di") échappé à tous ces enculés zélateurs de solutions "simples", de ces gens qui rendent tous les problèmes assimilables à une poignée d'autres vachement identifiables et gérables si seulement on voulait bien au choix prendre sa carte ou laisser le pouvoir au peuple (ou qu'on rouvrait les crématoires pour les bicots, au choix). Fin de dis graissons.), aussi me disais-je donc : autant ne pas perdre de temps à essayer, d'autant que des questions autrement plus importantes se posaient à moi, du style "que faire des 150 points d'armée qui me restent ?" ou "comment arriver à tricher au DS de maths sans me faire griller". Bon, y'avait bien un a-priori selon lequel la gauche c'était les gentils et la droite les méchants, mais c'était juste à cause des Guignols, de Renaud et de mon meilleur ami de l'époque, juif, suisse et fils de communistes avérés. On comprendra que je l'adorais d'autant plus que mes parents eussent préféré me voir trainer avec d'autres. Pareil pour Renaud d'ailleurs - au départ je comprenais pas tout, et si j'aimais instinctivement son côté "les gens sont des cons" (ce qui me semblait évident, mais qu'il était manifestement subversif d'affirmer) je n'en serais probablement pas devenu autant amoureux si, quelques jours après l'avoir découvert, ma grand-mère n'avait pas laché un "oh, ton Renaud, il me sort par les yeux, là !" exaspéré. Si les vieux dont il était pourtant ne l'aimaient pas, il ne pouvait pas être totalement mauvais. Il n'y a peut être pas que du mal à dire de la crise d'adolescence.

Passons, j'ai encore perdu le fil. Ah oui, la politique, oui. Je ne l'aie vraiment découverte que bien, bien longtemps après - à peu près en même temps que l'existence des filles. Dès l'instant où Elle me prouva que, finalement, des gens pouvaient véritablement me trouver intéressant, et même des non-mâles (mais pas encore des non-geeks, faut un peu arrêter de déconner), ou plutot quelques mois après parce que sur l'instant en question j'étais trop occupé, on le comprendra, j'ai commencé à vraiment savoir de quoi ils parlaient, Renaud, Desproges, tout ça. J'ai l'impression d'être un cas particulier, parce que j'ai découvert la politique (et un peu aussi la religion, mais c'est une autre histoire) *après* m'être fait une idée du monde et des gens, plutôt que de voir celle-ci formée par la politique. Ou la religion. Enfin je crois.

Toujours est-il que je me suis alors mis à dévorer les livres d'histoire, et a essayer de m'intéresser aux "problèmes actuels" comme on dit. Je suis resté assez salement sur ma faim. Ca restait aussi complexe sur le fond, mais comment dire... La forme était ridicule. Non seulement le partisianisme contre lequel m'avait prévenu Desproges était omniprésent, mais surtout personne ne semblait savoir répondre à une question, à un problème. Qui, eux, restaient très très compliqués et hermétiques, ou bien complètement dérisoires et ridicules. Si, comme moi, vous découvrez la politique sur le tard, ou que vous en caressez l'idée, je peux vous résumer toutes les interractions politiques du monde moderne en une seule théorie dite du mauvais esprit : si la droite attaque par la raison, la gauche l'accusera de manquer de coeur. Si la gauche attaque de manière rationelle, la droite refusera d'écouter sous prétexte que la gauche manque de morale. Si la droite base sa politique sur le coeur, la gauche l'accusera d'être archaïque et déphasée d'avec la réalité. Si la gauche tente de se concevoir une morale, la droite se moquera des utopistes. Et après, on recommence. Détail amusant : dans le paragraphe qui précède, on pourra intervertir les mots "gauche" et "droite" sans la moindre incidence ni sur le sens, ni sur la véracité de la phrase. Je comprends confusément (ou viscéralement, peut être) que la véritable motivation politique est moins de résoudre les problèmes que de baiser l'autre camp. Toujours cet esprit du drapeau, cette mentalité de pisseur sur réverbère. Enfin, ca ca vaut pour les militants - les hommes politiques, eux, sont le plus souvent juste amoureux d'eux-mêmes ou de leur légende. Comes with the territory. Ca les rendrait presque plus sympathiques. Il est flippant de constater que tous ceux qui ont su s'abstraire de ce genre de conneries pour véritablement faire avancer leur vision du monde étaient (et sont) tous givrés.

Dès lors, pris en sandwich névrosé entre le trop complexe et le trop con, il m'est apparu et m'apparait toujours justifié de s'abstraire du premier, et de se moquer du second. "C'est facile de se critiquer quand on propose rien !", me dit-on au fond de la salle. Certes. Mais plus difficile de critiquer tous les camps, je crois. En tout cas, ca me semble plus honnête, si pas plus courageux (parce que bon, le courage en politique, tant qu'on prend pas un fusil (et, ce faisant, en se posant fermement dans le camp des givrés, n'est-ce pas Brassens ? De mort lente, on a dit.) c'est à peu près aussi réel que le courage en allant faire ses courses, hein).

Pour résumer, on l'aura donc compris : je suis un néanderthal inculte aux raisonnements un peu faciles. Mais je le sais, et pis j'essaye pas de faire croire à autre chose, alors ça devrait aller.

Putain, je m'appercois que j'ai pas du tout parlé de ce dont je voulais causer, et dont tout ce fatras était sensé être l'intro. Bon ben, j'en parle, alors, mais vous allez vous demander ce que ca fout là.

J'ai longtemps détesté Ann Coulter pour absolument tout ce qu'elle disait et écrivait. Ce matin, je me suis réinteressé à son cas parce que j'ai appris qu'elle et Bill Maher étaient très amis, ce qui me semblait pour le moins farfelu : la virago d'extrême-droite et le smartass gaucho (juif, en plus, encore un. Ils sont partout !) la main dans la main ? Why, how, Whiskey Tango Foxtrot comme dirait Flaoua. J'ai donc essayé de relire des articles d'elle, et les citations linkées, en essayant de partir du principe que c'était une fille bien (la logique est aussi limpide que pas logique du tout : j'aime beaucoup Bill Maher, donc Bill Maher est un mec bien, donc ceux qu'il apprécie doivent l'être aussi. C'est à cause de ce genre d'évidences que je me sens un peu trop naïf et niais pour la vraie politique. La vraie vie sociale, en fait.), et je viens, je crois, de comprendre. Le but de cette nana, et de ce qu'elle écrit, n'est pas du tout de défendre une idéologie ou de crier ses propres idées comme je le croyais, mais de se faire l'avocat du diable puissance 10. Le raisonnement derrière s'apparente à cette fameuse théorie du mauvais esprit, dans le sens où elle est absolument inattaquable - elle écrit des ordureries assez immondes pour mettre en boule le plus mesuré de ses opposants. Un type en colère dit/fait des conneries, devient donc ridicule - et ses idées avec. De l'autre côté, si on l'attaque en lui disant qu'elle raconte n'importe quoi, elle répond qu'elle n'a jamais prétendue être objective, voire saine. Et, là encore, le mec en face a perdu, attendu que comme le dit Chris Rock, "Women beat men at arguing, always. That's because we guys feel this compelling need to make sense.". Il lui est donc impossible de perdre - ca explique une part de son charisme.

En comprenant ça, j'ai forcément fait le rapprochement avec mes propres méthodes : dans un débat, je prends souvent le parti opposé de celui ou celle à qui je parle, ne serait-ce que par jeu, ou par (mesquine) volonté didactique, ou juste par instinct. Même si à la base je suis d'accord avec lui. Surtout si à la base je suis d'accord avec lui. Et, étant un garçon simple et très con, pouvant donc difficilement m'imposer sur un terrain trop pointu, j'en ressors le plus souvent à la provoc' la plus grasse, pas spécialement d'ailleurs dans le but de marquer des points, mais parce que ca m'amuse, tout simplement. La petite veine qui menace de péter, c'est comme un applaudissement, parfois (En cela je ne comprends pas les trolls internautiques - selon moi la jouissance de foutre la merde passe pour bien 80% par le physique, le ton, les yeux de l'autre. L'imaginer, oui, bon, d'accord, mais t'as pas besoin de troller pour ça finalement, tu peux aussi imaginer l'avoir trollé si tu veux aller par là. Oui. Ann Coulter, donc.). En relisant, ce qu'elle dit en partant du principe que les 3/4 sont dits sans conviction, non pas "pour déconner" mais "pour énerver", j'en conclus que si elle est vraiment de droite et qu'elle a vraiment de la merde dans la tête concernant certains sujets, elle est beaucoup moins dérangeante voire gerbante qu'auparavant. Amusante, même. J'imagine que j'ai gagné, du coup, ou plutôt cessé de perdre. Là où je gagne véritablement, c'est que contrairement à elle, moi au moins je suis pas assez con (ou trop dubitatif, ou trop asocial, ou trop... bref) pour ne défendre qu'un seul faisceau d'idées. Je me suis donc demandé pourquoi, puisque manifestement elle est très maligne au lieu de bigote décerébrée, pourquoi donc, à défaut de rester non pas neutre mais entre deux feux autant que faire se peut, pourquoi au moins elle n'était pas dans le bon camp. Non parce que je suis apolitique, mais je suis quand même moins de droite que... Damned. Flagrant délit d'être de gauche. J'ai encore perdu.

Enfin bref, la vie est une longue lutte contre sa propre connerie - non, sa propre paresse.

Snake ! I am the snake !
Tempting, that bite you take...
Let me free your mind,
Leave yourself behind !
Be not afraid.

Metallica - Devil's Dance


20.9.06

11:08 AM : Foxtrot-Uniform-Charlie-Kilo-India-November-Golf

Post à consonnance corbique, possiblement nègre.

Je pense pas mal aux gamins ces jours-ci. Ca a un rapport avec le formirififantasmidable post de Spino, ça a aussi un rapport avec mon futur neveu, puisse-t'il être une fausse couche (eh, Dieu, je dis ça pour déconner, fais du mal à ma soeur et j'te démonte, enculé). Ca a aussi un rapport avec un couloir d'hopital grisâtre parmi d'autres, et avec une nana qui voulait pas lâcher son portable. Mais les féministes sont des connes, je l'ai toujours dit. Passons.

Ce qui me bloque les synapses, c'est que je n'arrive toujours pas à élucider le mystère de Bébé (hihu hihu). Allons à l'essentiel : faire un enfant, ça signifie implicitement que, consciemment ou non (mais, j'espère pour lui, consciemment) on a décidé que la vie vallait le coup. J'ai déja du l'écrire, ça, c'est assez vieux comme évidence, pour moi.

Mais depuis cette évidence, j'ai pas fait un pas de plus vers une compréhension quelconque. Ca doit avoir à faire avec le fait que ce concept, "la vie vaut le coup", m'est vaguement étranger. C'est pas la partie spécialement black corback ce que je dis, hein. Je hante pas les cimetières en priant la Mort, Elle déteste ce genre de mecs en plus. Et j'entérine aussi le concept du contraste, du ratio plaisir/douleur, que pour ma part je trouve un peu déséquilibré dans le mauvais sens, mais ca va, toutes choses étant égales (j'aime bien cette expression. Ca ne veut strictement rien dire, mais ca ponctue bien. C'est comme "on baise ?", sauf que c'est utilisable dans plus de contextes). Mais, au final, rendons nous à l'évidence une bonne fois, la vie est en moyenne un long ennui. Quelque chose qu'on endure si possible avec grâce et sans faire trop sa mauvaise tête parce qu'on est bien content de l'avoir puisqu'on n'a que ça, et pas une explosion de joie de chaque instant. Que celui qui ne s'est jamais réveillé pour un su-per énième lundi matin de boulot me jette la première pierre. Et puis, que la vie soit ou ne soit pas foncièrement désagréable n'a foutrement rien à voir avec le fait qu'elle vaille le coup d'être reproduite que je sache, si ?

Ca a évidemment un rapport avec le "sens de la vie" - si la vie a un sens, alors le plaisir de vivre n'en a pas, et vice versa, le cas numéro 3 (y'a toujours une *autre* option) étant biensur "le sens de la vie c'est le plaisir qu'on en tire", ce qui est un peu trop vaguement hippie-grôcalin pour me satisfaire. J'avais prévenu pour le corbeau.

Et puis, de toute façon, il y'a encore et toujours ce postulat (cet axiome ?) imparable : faire la vie, c'est dégueulasse, parce que c'est soumettre un autre que soi (pire, un enfant innocent ! Think of the children !) non seulement à la permanente peur de sa disparition, mais à l'inéluctabilité d'icelle (oui, icelle, parfaitement.). Oui, oui, je sais bien que la vie sans la mort aurait encore moins d'intérêt, ce qui n'est pas moins qu'un record, et je sais aussi que la mort elle même est source d'espoir (parce qu'elle laisse à espérer que les tyrans, eux aussi, puissent mourir. Un post avorté...). Mais quand même, chier quoi, la mort c'est la lose, enfin, et c'est pas George Orwell qui va me contredire (ah bon ? Le con.). J'étale en longueurs chiantes pour ne finir que par cito-plagier : la vie, c'est nul, et ca finit beaucoup trop vite. C'est tout moi, ça.

Pas forcément en sortant du thème, mais en changeant de sujet, je réfléchissais aussi à la propagande en général, et aux euphémismes en particulier, cette bâtardisation mièvre d'un langage tout à fait fonctionnel avant eux. En grand zélateur de la franchise avant tout, surtout les rapports humains (que ceux qui me haïssent ou m'ont haï lèvent le doigt, ca me fera plaisir), j'ai toujours craché sur cette émasculation de la langue qui amène d'abord les spécialistes, puis la vulgate à utiliser des mots comme IVG (pour dire avortement. Mot lui-même choisi pour ne pas dire "une aiguille à tricoter dans le vagin, ca lui fera du bien") ou dégats collatéraux (pour ne pas dire "femmes, enfants, hommes, frères ou aminconnus éventrés par ta bombe à la con, connard"). Comme le premier des abrutis (de gauche, en plus), j'étais persuadé que ce genre de langage était issu d'une élite à l'attention d'une masse, dans un but de sodomie appuyée. A force de "terroristes", on en arrive facilement à faire croire au peuple que les exactions sont justifiées, à force de "PTSD" on arrive à faire croire que non seulement la guerre est intrinsèque à l'homme, mais que toutes ses conséquences sont maitrisées. J'avais encore jamais remarqué/réalisé que probablement ces euphémismes (et, partant, peut être la propagande en général, car après tout le camp d'en face n'a jamais *vraiment* cru aux conneries de notre camp, si ?) n'étaient en fait destinés qu'à ceux qui les inventent. Le médecin ne dit pas "IVG" pour que non-papa et non-maman aient moins mal, mais pour se détacher au maximum d'eux, histoire de pouvoir continuer à en faire sans se flinguer. Le soldat ne dit pas "dégats collatéraux" pour que les médias et le bon peuple l'excusent, mais pour essayer de vivre avec sa conscience, après. Peut-être. Peut-être pas. Je fais tout le temps des eurekas dans ce genre, et puis, juste après, l'Homme arrive toujours à me démontrer qu'il est moins humain que je ne le croyais, alors...

Enfin bref, asi es ma vida loca.

PS : Gratz post-datées à notre Très Cher Pape. Enfin un allemand qui n'a pas oublié les grandes heures de l'Allemagne, et qui oeuvre à l'entente entre les Übermenschen ! Pardon, ça m'a échappé, je voulais dire entre les peuples.
Je sais, je sais, c'est bas et facile, mais son fameux discours m'a beaucoup fait marrer, ca faisait tellement "Les 3 Stooges avec une étole"... Tiens ben voila, je le prouve par écrit : l'homme est faible, donc la vie c'est nul, donc faut pas faire d'enfant. Je retombe toujours sur mes pattes. Ma vie est magnifique.

9.9.06

6:43 PM : Ah oui, j'avais dit que je parlerais de photo.

Pratchett (oui, encore lui, je sais, mais il a une philosophie qui rejoint souvent la mienne) écrivait dans son The Truth que la démocratisation de l'imprimerie avait submergé le monde sous les mots et le papier, laissant chacun écrire sa vérité qui n'était vraie que pour une semaine ("It's written in the paper, it must be true. They wouldn't let people write it if it wasn't true !"). Ca s'étend évidemment aussi à la littérature, avec les 400 nouveaux bouquins publiés chaque jour, quel que soit leur intérêt. Si on rajoute internet par dessus le marché... Oui, n'importe qui peut écrire n'importe quoi, quelle que soit la valeur de ce qui est écrit, ou sa véracité. Donc, on écrit beaucoup, beaucoup de merde.

Je sais que c'est la marque de la civilisation, je sais aussi qu'il vaut mieux patauger dans la merde plutôt que de laisser une chance à un authentique talent de ne pas avoir la possibilité de publier ses gemmes, qu'il faut des Dan Brown pour qu'on puisse avoir des Neil Gaiman. Soyez surs que si j'écris autant de merde, c'est uniquement pour vous permettre de trier le bon grain de l'ivraie - je suis certain qu'il y'a au moins un blog bien, quelque part. C'est donc un état de fait irritant, mais nécessaire. Il en va peut-être de même pour la photo, mais j'ai des doutes.

Parce que la démocratisation de la photo noie aussi le monde sous elle, et l'a rempli de connards braqueurs de flashs, partout, tout le temps. Impossible de boire un coup entre potes sans qu'il y'ait au moins, dans le tas, un ahuri congénital mitraillant les convives. C'est un cancer social. Et moi, ça, ça me pète les couilles mais d'une force...

Déja parce que j'aime pas être pris en photo, bien sûr. Ca n'aide évidemment pas à apprécier le gland qui étrenne son appareil numérique flambant neuf. Mais surtout, surtout, quel est l'intérêt de ces putains de photos de soirée (de soirée ou de marriage, ou de vacances...), bordel ?! Je suis prêt à admettre que certaines photos soient bonnes à prendre, même si ça me coute beaucoup. Un ciel magnifique, une murder aux costumes intéressants, une scène insolite ou une illustration de message, oui, ca vaut sans doute la peine d'être pris en photo, "immortalisé" comme ils disent. Mais un bar ? Je me demande combien de galleries dans le genre sont hébergées sur le net. La photo est toujours strictement la même - des gens, des verres, des sourires. Multipliés par 32, 64 ou 2600 (les photos numériques, ca vaut moins cher - y'a pas la péloche à fournir). Et bordel, où est l'intérêt ? Qui regarde ces photos plus d'une fois, et encore, seulement pour voir sa tronche dessus ? Qu'attendons-nous pour pendre les bâtards qui font des photos, frères de lutte des enculés qui jouent du djembé ?

Il y'a pire, encore. Il y'a les photographes du dimanche. Qui prennent des photos de ceux qui sont autour d'eux, comme ça, sans raison, en permanence. Je parle même pas de "là c'est ma femme devant le Taj Mahal", non, juste, "là c'est ma femme", "là c'est ma copine". Rien que dans ma famille, des comme ça, y'en a deux sur quatre. Et qui envoient leur photos par mail... insupportables. En fait, aucun groupe dont je fasse ou ait fait partie n'a jamais manqué du ou des siens. Je suis certain que vous en connaissez aussi. Production annuelle de 400.000 photos de gens en train de dormir, de bouquiner, ou du chien.

Aujourd'hui, solennellement, et en vertu des pouvoirs que je me suis conféré tout seul, je leur déclare le Jihad. C'est donc le devoir sacré de tout croyant(*) de les passer par le sabre, ou à la rigueur (parce que même les intégristes doivent transiger, de nos jours, tout fout l'camp) de leur enfoncer leurs machines à immortaliser dans le rectum à la première occasion. J'ai dit.

Enfin bref, asi es ma vida loca.

(*) Pas croyant en dieu, hein. Mais croyants dur comme fer en Pierre Dac. Mais si, voyons, Pierre Dac, celui de "parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les principes majeurs de ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir".

Heat and fire, burning pyre
Smoke and flames, a raging hell
Death and blood, the fatal rub
Blows away Soleil Royal !

Running Wild - Soleil Royal


7.9.06

8:54 AM : Si tu frappes le monstre aussi fort qu'il te fait peur...

Chaque fois que je repasse chez elle, cette phrase m'accroche. Merci, madame.

Chaque fois, aussi, elle me fait repenser à la première (et dernière, il me semble ?... On se souvient jamais que de la première fois, au final) fois où je me suis battu. Battu pour de vrai, s'entend, je ne compte pas là-dedans les peignées données et recues à l'école quand, gamin et masculin, on se chiffonne pour discuter. Non, je veux dire se battre pour de vrai, se battre pour faire mal, se battre pour qu'à la fin, comme McLeod ou les Dix Petits Afro-Américains, il n'en reste plus qu'un.

Je me souviens plus du tout de *pourquoi* on se battait, par contre. Probablement une connerie sans la moindre espèce d'importance - on se connaissait à peine, et y'avait pas plus d'animosité entre nous qu'il n'y avait d'amitié (c'est toujours par amitié qu'on finit vraiment par se foutre sur la gueule, non ?). On était juste 4 inconnus qui avaient passé trois semaines dans une même chambre de colo, et qui n'en pouvaient plus de la colo en question. On aurait pu se battre devant la porte des chiottes pour savoir qui pisserait le premier tellement on avait, tous, besoin de se défouler de l'ambiance ultra bon-enfant, ultra dirigée et ultra policée. Les colos anglaises...

Je me souviens surtout d'avoir eu très peur, en fait. C'est ca qui m'a marqué pour de vrai, dans cet épisode par ailleurs totalement insignifiant. Pas peur de me faire mal, parce que quand ca a commencé j'étais beaucoup trop en rogne pour penser à ça, mais une fois cette rage un peu dissipée par deux ou trois pralines bien senties (comme quoi, on a beau me traiter de compliqué, je suis un être fondamentalement simple - taper ou baiser me soulagent de toutes mes angoisses), mais peur de *faire mal*. Je me suis rendu compte au beau milieu de la baston qu'à jouer aux cons, comme ca, y'en aurait forcément un qui finirait par se faire très mal. Et que ca serait de ma faute. Ca m'a terrorisé - en deux millisecondes, des dizaines de scénarios catastrophiques ont défilé dans ma tête. J'allais peut être même en tuer un par accident. Ca m'a tellement fait paniquer, cette idée, que je suis devenu à moitié berserk, je crois. J'ai complètement disjoncté - je sentais plus les coups, je cherchais même plus à les éviter, et puis je me suis mis à taper, taper, taper de toutes mes forces, sans plus rien chercher d'autre, peut être dans une optique "puisqu'il faut que ca arrive, autant que ca arrive vite", mais je pense pas qu'il y'ait vraiment eu d'optique, en fait... J'ai pas le moindre souvenir du combat en lui-même. Quand je me suis ressaisi, j'étais en train de pleurer dans les bras du troisième, les deux autres s'étaient barrés.

On s'est plus ou moins évités pendant les quelques derniers jours, ce qui relève du prodige vu qu'on pieutait ensembles. Moi, j'avais surtout peur de leurs regards, d'autant que ma tronche explosée leur avait valu une engueulade en prime. Bizarrement, à moi, on m'a rien dit. Pourtant, ils étaient amochés aussi... va savoir ce qui a bien pu se dire. J'ai quand même apprécié de pas avoir droit à des remontrances "officielles", j'avais assez honte comme ça. Peur et honte mêlées, d'avoir pu perdre le contrôle à ce point.

Je me demande (mais comme ma mémoire est un patchwork d'evenements que je n'arrive jamais vraiment à ranger par ordre chronologique ni les resituer dans le temps avec précision, je saurais pas vraiment le dire) si c'est pas suite à ça que j'ai commencé à tellement m'observer en permanence, à tellement faire gaffe à mes émotions tellement disproportionnées - "Comment, l'ambassadeur a toussé pendant la réception ?! Rasez-moi le pays !". Control freak je suis, je sais, mais faire autrement me serait difficile... J'ai pété beaucoup de cables depuis, et fait quelques autres rages berserk - mais plus aucune qui ne soit involontaire. Ou plutôt, aucune que je n'aie laissée passer. Focus Anger c'est mon deuxième prénom.

Enfin bref, la Bête n'est pas morte, elle dort seulement. Alors asi es ma vida loca, mais pas trop fort des fois que.