Il y'a cette photo. Sur un banc, 4 jeunes attifés étrangement. Sur la gauche, une sorte de petit pet foireux à cheveux, la bouche crispée dans un sourire dont la mesquinerie chafouine pourrait servir de baromètre social à une fouine qui aurait lu les oeuvres complètes de Machiavel. Le pet, c'est moi, manifestement, tout y est, même l'authentique (et authentifiante) dent de vampire qui dépasse du sourire. Vous pouvez aller la voir sur les camshots, à votre droite, mais n'oubliez pas le guide. Le problème, c'est que cette photo ne m'évoque absolument rien. Un GN, oui, oui, sans doute. Un GN RdJ même, à n'en pas douter. En 1995, certes, c'est marqué sous la photo. Mais qui sont ces gens ? Quel personnage jouais-je ? Et dans quel scénario ? Impossible d'imprimer quoi que ce soit à partir de cette photo. Ca serait celle d'un tremblement de terre à Oulan-Baator (Mongolie) qu'elle me serait peut être moins étrangère. D'où double interrogation, sur la mémoire d'abord, sur les enculés brandisseurs de Kodaks ensuite.

Pourtant, Zeus sait que ma mémoire est excellente. Juste, uniquement pour des trucs absolument inutiles. Je peux ressortir le dialogue d'une scène furtive d'un film que j'ai vu à 12 ans, et jamais revu depuis. Vous redonner le texte du coup critique E 150 d'électricité dans Rolemaster (si, si. Ca finissait par : on peut toujours vous ramasser à la spatule.). Citer l'intégrale Brassens, Renaud ou Desproges en y mettant le ton. Immensité d'anecdotes littéraires, cinématographiques, musicales, historiques, toutes sans le moindre espèce d'intérêt. Le nom de mes camarades de classe d'il y'a deux ans ? Nib. L'analyse de Shakespeare avalée, ravalée, apprise et surtout comprise pour les partiels, il y'a à peine deux mois ? Néant. Ce qu'on disait y'a 5 minutes ? Euuuh... joker ? Encore pire : le véritable prénom d'une ex : 10 minutes avant de retrouver. Oui, celui la me fait honte, oui.

J'aimerais comprendre comment fonctionne cette faculté d'impression parfaite que je sais posséder, histoire qu'elle puisse enfin me servir à quelque chose. On m'a dit et répété que je me souvenais à merveille de ce qui m'intéressait, et uniquement cela, mais c'est loin d'être si simple. Tenez, exemple : je relis mon Pennac. Dans un passage au Père Lachaise, il y évoque Victor Noir. Interrogation interne rapide, réponse instantannée : Victor Noir, news yahoo d'il y'a quelques années, photo. Gisant interdit au public pour cause de trop grand précision anatomique, les filles venaient la nuit se frotter dessus. A part ça, je n'ai pas la moindre foutue idée (ni, à vrai dire, aucune foutue envie de savoir) de qui peut bien être ou avoir été Victor Noir. Alors pourquoi, comment avoir retenu ca, parmi les tonnes de news yahoo qui me sont passées devant les yeux à cette époque où, bossant, je trompais mon ennui (même pas bien payé) comme je le pouvais ? Mystère.

La photo...pff, flemme de continuer, ca attendra une autre nuit propice (zyva, mate le cliffhanger !)

Vacances au soleil de l'imaginaire... A dans quelques semaines. Je vous laisse avec ce monsieur (attention y'a un piège), dont on m'assure qu'il est fort drolatique.